jeudi 29 novembre 2007

C'est quoi l'idée ? Allez savoir...

Libération Livres, Jeudi 29 Novembre 2007, sur le premier volume des Lieux de savoir.




Trois autres vont suivre: Les Mains de l'intellect, La Construction des traditions et Identité, métissage, universalité. Mais le premier volume des "Lieux de savoir", - Espaces et communautés - est déjà une somme. Il fallait en effet plus d'un millier de pages à une soixantaine de chercheurs internationaux, et la mobilisation de toutes les sciences humaines, pour cartographier les "mille manières dont à travers les âges et les cultures les hommes ont produit, validé, sauvegardé et transmis des savoirs". Réalisation réussie d'un projet que résume Christian Jacob, son maître d'oeuvre.




"A quelle étrange activité s'adonne-t-on en lisant un livre, en consultant internet, en suivant un cours, en écrivant un texte, en pratiquant le calcul mental devant les étals des maraîchers, en compilant une base de données sur l'ADN des espèces vivantes ou en répétant une expérience de chimie devant sa classe ? Qu'est-ce qui distingue ou unit le spécialiste et l'amateur, un philosophe grec et un sage bouddhiste, Galilée et Stephen Hawking, un artisan du faubourg Saint-Antoine et un biologiste assigné à résidence dans une ville interdite de l'ex-URSS, un médecin de l'hôpital Georges-Pompidou et un "medecine man" africain ? L'idée des Lieux de savoir a été de redéployer en un territoire unique et continu ce que le partage des disciplines a fragmenté en une mosaïque de principautés. Et ce afin de rendre au champ de l'expérience humaine sa force d'invention et son unité: par l'esprit, le langage et les signes, cette humanité travaille à se réfléchir elle-même, tout en aspirant à maîtrise le temps et l'espace, le visible et l'invisible,la matière et l'immatériel, l'inerte et le vivant, à les domestiquer dans des discours et des représentations qui seront discutés, diffusés, modifiés, hybridés ou rejetés.


Cette expérience fondamentale, nous l'avons explorée, tels des voyageurs en terre lointaine, en renonçant aux modèles a priori, aux hiérarchies établies selon les partages entre vrai et faux, science et superstition, techniques et humanités, main et intellect. Nous avons cheminé sans certitude, mais avec curiosité. Notre "caravane" - historiens, anthropologues, sociologues, épistémologues, philologues ou archéologues, attentifs aux progrès de la rationalité comme à la force du symbolique - a avancé sur des pistes indiquées par Claude Lévi-Strauss, Norbert Elias, Clifford Geertz, Michel Foucault ou Michel de Certeau, Jean-Pierre Vernant ou Pierre Bourdieu, en observant les étranges tribus des hommes de savoir.


Ce premier volume expose les jalons d'une socio-histoire des mondes savants: comment se fondent les écoles, s'assemblent les collectifs, se tissent les projets de vie et de savoir, s'organise et se pense une institution? Ces Lieux de savoir, élaborés dans le cadre du Groupement de recherche du CNRS "Les Mondes lettrés", relient le phare d'Alexandrie et un monastère taoïste, la maison d'un professeur de Göttingen et le sol de la planète Mars, le rituel d'initiation d'un devin africain ou une exposition universelle au Japon, selon la double logique de la sélection et de la confrontation comparatiste de situations ancrées dans le temps, l'espace et les sociétés, dans une écriture qui fait "voir" le vécu des situations, la formalité des gestes, la mise en scène des activités savantes. Alors qu'une actualité brûlante montre trop bien que le choc des traditions et l'incompréhension entre cultures et religions peuvent mettre la planète à feu et à sang, nous ouvrons une réflexion sur le pluriel des savoirs et des croyances, considérés dans leur richesse propre et leur diversité, sans jamais perdre de vue l'unité fondamentale des cultures humaines".


Recueilli par Robert Maggiori.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire