vendredi 2 novembre 2007

"On va ici au-delà de tous les clivages"



Le Monde des livres, vendredi 2 Novembre 2007, à propos du premier volume des Lieux de savoir.

Christian Jacob, vous êtes directeur de recherche au CNRS, helléniste, vous avez dirigé l'équipe rédactionnelle des Lieux de savoir. Comment est né ce projet ? 

C'est une aventure intellectuelle qui a mûri une dizaine d'années. Elle est partie du travail de spécialistes de l'Antiquité classique, auxquels se sont fédérés des spécialistes d'autres cultures. Par élargissements successifs, aux pratiques scientifiques, technologiques, spirituelles, nous sommes arrivés à une approche aussi large que possible de l'histoire des savoirs. Elle nous a conduits à adopter une perspective expérimentale, visant à repérer quels pourraient être les fondements, les concepts, les grilles d'analyse d'un nouveau type d'histoire culturelle s'attachant aux opérations du savoir quels qu'en soient les domaines.

L'éclectisme de ce travail, qui se lit comme un recueil d'études de cas, est-il une façon de toucher à l'universalité du savoir? 

Les études de cas permettent de focaliser sur ce qu'il y a de plus spécifique, de plus ancré dans la pratique des savoirs (situations, gestes, personnages, lieux, communautés savantes), dans une perspective qui est à la fois celle de la micro-histoire et de l'anthropologie. Un deuxième niveau vise à proposer un cadre de réflexion théorique et méthodologique qui pourrait être appliqué à d'autres contextes.

Sans parler d'universalité, on va ici au-delà de tous les clivages entre sciences et humanités, sociétés avec et sans écriture, Occident et Orient, savoirs intellectuels et techniques, entre lesquels se noue un réseau de connexions.

Que nous dit cette histoire protéiforme sur le savoir "global", standardisé et instantané, du monde contemporain ? 

On passe d'une connaissance découpée, partagée par des communautés particulières, à une connaissance partagée et validée quel que soit le lieu où elle est produite. Le processus de globalisation de la science conduit à faire abstraction de son ancrage dans des lieux. Notre travail retrace d'une certaine façon la genèse de ce processus: on voit se mettre en place des modes de transmission et de circulation, avec à la fois leurs dynamiques restrictives - certaines reposent sur le secret, l'élitisme, l'ésotérisme - et leurs dynamiques universalisantes, qui préparent la voie à différentes configurations de savoir, dont le savoir contemporain.

Trois autres volumes sont en préparation. Quel en sera l'objet ? 

Le deuxième portera sur les pratiques savantes, du maniement des instruments aux opérations les plus abstraites. Les suivants s'attacheront à la construction sociale des savoirs, puis à leur transmission et leur diffusion.

Propos recueillis par Pierre Le Hir.

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